La défense de l’ex-numéro 2 de la police de Lyon écarte la charge de corruption pesant sur son client, et encore moins celle d’association de malfaiteurs. Michel Neyret se serait bêtement fait avoir par quelques beaux parleurs.
Michel Neyret corrompu ? Certainement pas. C’est la ligne de conduite adoptée par les représentants de l’ancien numéro 2 de la Police judiciaire de Lyon. En ce 24 mai 2016, au lendemain de l’annonce des quatre ans de prison dont 18 mois avec sursis requis par la Procureure de la République, les deux avocats de Neyret ont voulu écarter franchement la piste de la corruption (*)*:. Pour ces derniers, les faits reprochés à l’ex-patron de la BRI s’inscrivaient dans des méthodes classiques utilisées par la police, et pas uniquement celles en usage entre Saône et Rhône. « Il y a la sacro sainte loi et il y a des situations où heureusement, parfois, l’on doit s’arranger », souligne Maître Gabriel Versini pour qui « les faits de corruption n’ont pas été démontrés », tout au plus de manière succinte, par l’accusation.
« Vous avez voulu porter le discrédit sur Michel Neyret et je m’attendais à une démonstration imparable, indestructible, inéluctable », juge le théâtral avocat qui n’a pas manqué, au début de sa plaidoirie de saupoudrer ses propos avec une pointe d’ironie à l’encontre des deux procureures plutôt amusées par la verve de Versini. Pour ce défenseur de la police lyonnaise, la démonstration du Parquet voulant coller l’étiquette corruption sur la tête de Michel Neyret ne tenait pas la route. Et lui et son collègue Maître Yves Sauvayre vont notamment évoquer le caractère particulier d’une relation avec les indics.
« Ce monde souterrain qu’est celui des indics, comme l’appelle Versini, est de nature à sortir du cadre ». Et Neyret, l’homme de terrain, a fait comme les autres. On ferme les yeux sur certaines pratiques, on installe la confiance en échange de quoi on ferre plus gros. L’ancien grand flic de Lyon est accusé, entre autres, d’avoir profité d’avantages (voyages, argent…) en échange d’informations confidentielles données à Gilles Benichou et Stéphane Alzraa, appartenant au milieu lyonnais, et présentés comme des indicateurs. Si Michel Neyret a commis des fautes, en cette année 2011, c’est le fait de s’être attaqué à un domaine (financier) qu’il ne connaissait pas. Autre parade brandie par ses avocats.
« Il s’est fait enfariné, passez-moi l’expression monsieur le Président !», plaide Versini. Et oui, aussi surprenant que cela puisse paraître, le grand Michel Neyret s’est fait embobiné par Benichou et ses acolytes. « Son seul but était de noyauter ce réseau et servir son service, comme toujours », explique son avocat. « L’Olivier Marchal de la capitale des Gaules » a voulu infiltrer ce réseau d’escrocs et « mal lui en a prit », regrette Versini car ils ont développé une telle maestria que Neyret est tombé. Il a été victime d’une manipulation. Trop grosse la ficelle ?
Comment un policier aussi expérimenté peut-il se faire avoir de la sorte? « Parce qu’il est tombé dans ce marasme, ce puits sans fond de la paillette », ose la défense. Les rois de la tchatche, du bagou ont donc eu raison du beau gosse du commissariat central lyonnais. Peut-être… On aimerait y croire. Qui sait? La soit-disante fragilité ou faiblesse de Neyret suffira-t-elle à réduire sa peine? Réponse le 5 juillet, 13h30. Jusque-là l’affaire a été mise en délibéré.
Bonne fête Michel!
Les pimpants états de service du tout jeune sexagénaire ont en tout cas, et il ne pouvait en être autrement, été mis en exergue dans cette salle des criées du Tribunal de grande instance de Paris. On rappellera notamment le démantèlement du réseau de Khaled Kelkal en 1995. 32 ans de loyauté à l’Etat ternis par quelques mois plus chaotiques, huit exactement, ne peuvent suffire à accabler Michel Neyret, avancent Versini et Sauvayre.
D’un côté, il y a la « police en pantoufles » et de l’autre les hommes de terrain qui prennent des risques et qui transgressent parfois la loi pour le bien collectif et la résolution d’affaires, « de belles affaires » en ce qui concerne Neyret soulignent ses défenseurs. Ils ont voulu aussi dénoncer le traitement jugé injuste, emprunt de méthodes abjectes, réservé à l’ancien commissaire divisionnaire de la rue Marius Berliet.
Michel Neyret a été arrêté le 29 septembre 2011, le jour de la Saint Michel. « Je ne peux pas croire au hasard de cette situation. Vous n’allez pas me dire que l’IGS a agi sur un concours de circonstance, ce n’est pas possible !», s’étrangle presque Gabriel Versini. Des conditions sévères de garde à vue, la détention en prison de 8 mois ou la confiscation de son permis, la défense de Neyret évoque un acharnement contre son client sur qui on a jeté l’opprobre. « On livre aux chiens l’honneur d’un homme », s’insurge encore Versini paraphrasant François Mitterrand après le suicide de Pierre Bérégovoy.
Voilà la teneur de près de trois heures de plaidoirie durant lesquelles Michel Neyret, assis sur le banc des accusés à côté de sa femme Nicole, est resté la plupart du temps la tête basse, mains sur le visage. Il aura le dernier mot quand le président lui demandera s’il souhaite rajouter quelque chose. « J’ai déjà exprimé à cette barre mes profonds regrets d’avoir entraîné ma femme et mes collègues dans cette épreuve. Je ne peux que les réitérer et qui, quelle que soit votre décision, me hanteront toute ma vie. »
*: Michel Neyret est accusé de « corruption et trafic d’influence passifs par personne dépositaire de l’autorité publique, association de malfaiteurs, violation de secret professionnel, recel, trafic de stupéfiants, détournement de scellés et blanchiment. »
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