Histoires de stades et de tribunaux

Justice

L’imam de Torcy sur le grill

Palais de justice de Paris. (Crédits: A.S.)

En place à la mosquée de Torcy au moment des faits et jusqu’au mois dernier, Abdelali Bouhnik n’a pas été épargné par la cour au moment de témoigner au sujet de quelques un de ses pensionnaires, aujourd’hui dans le box des accusés. Le lieu de culte a été fermé le mois dernier et ce professeur de mathématiques s’est vu infliger une suspension d’exercer.

Une certaine conception de l’Islam est au coeur de l’affaire. L’avocat général Philippe Courroye en est persuadé, sinon habité par une intime conviction. Son échange avec Abdelali Bouhnik peut en témoigner. L’imam de la mosquée de Torcy, fermée depuis le 11 avril par arrêté préfectoral (« Tout ça ne tient pas debout », estime-t-il), a été pointé du doigt pour ne pas avoir ouvert les yeux sur les agissements de ses fidèles dont une partie se trouve dans le box des accusés. Comment l’imam n’a pas été interpellé par le discours radical tenu par Jérémie Louis-Sydney, alias Anas, auprès des autres frères de la mosquée, se demandaient mercredi les magistrats de la cour d’assises spéciale de Paris « Ça se passait au dehors, je ne peux pas tout voir, vous savez », se défend M. Bouhnik, tout juste 60 ans.

Pour lui, Jérémy, Malik, Alix, Elvin ou Kevin étaient des jeunes gens sans histoire. C’est l’impression donnée en 2012. « Leur apparence ne laissait pas imaginer tout ça. J’ai été très étonné de leur arrestation. Je n’ai pas vu de signes avant-coureurs ». Abdelali Bouhnik se rappelle toutefois avoir stoppé Jérémie Louis-Sydney quand ce dernier a pris la parole à la fin d’une conférence organisée à la mosquée sur la situation en Syrie. Le chef de bande tenait des propos totalement contraires à un Islam modéré. « Cela ne vous a-t-il pas inquiété ? », insiste l’avocat général. « La violence, on ne la voit pas. Il faut des actes. Quand je les voyais, ils étaient gentils. Et puis il y avait deux endroits. Torcy et Cannes ».

Deux foyers trop brûlants

L’accusation considère que les mosquées de ces deux villes ont constitué un foyer propice à la radicalisation d’une vingtaine d’individus. Certains ont commis l’attentat de Sarcelles le 19 septembre 2012 en jetant une grenade défensive. Et l’ensemble des accusés seraient impliqués dans une association de malfaiteurs. Abdelali Bouhnik dénonce toutes formes de terrorisme, se qualifie de citoyen respectueux des lois de la République et ne comprend pas vraiment qu’on veuille lui prêter une forme de responsabilité en tant que référent de ces jeunes gens, dont quelques convertis. Il regrette pour ces derniers l’absence de suivi: « On n’a pas le temps. On les voit le vendredi, le seul jour où il y a un prêche, ça dure une vingtaine de minutes. Après… » Ils peuvent poursuivre leur formation sur le web, concède-t-il.

Philippe Courroye, évoquant ensuite Mohamed Merah comme l’un des inspirateurs de Jérémie Louis-Sidney, commence à fulminer quand le prof de maths suspendu (*), affirme ignorer les assassinats commis en mars 2012 contre des enfants d’une école juive et des militaires: « Je ne suis pas très télévision. Vous me l’apprenez ». La cour souhaitait surtout en apprendre plus de sa part.

* Abdelali Bouhnik a été privé d’exercer pendant quatre mois, avant que ne soit tenu un conseil disciplinaire. Il lui est reproché des actes de prosélytisme envers ses élèves.

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