A la fin d’une semaine éprouvante pour les victimes et les proches de la tuerie du 7 janvier, le président de la cour d’assises spécialement composée a donné la parole aux accusés. Il souhaitait entendre leur réaction aux bouleversants témoignages qui ont fait revivre la tuerie de Charlie Hebdo. Tout le monde n’a pas apprécié.
Les magistrats de la cour d’assises ont-ils été sensibles à leurs discours ? Cela pèsera-t-il au moment du verdict même si les 11 accusés auront moult occasions de défendre leur cas jusqu’au 10 novembre ? Les 10 personnes dans le box et Christophe Raumel qui comparaît libre ont été invités vendredi à s’exprimer sur ce qu’ils avaient entendu toute cette semaine concernant l’horrible journée du 7 janvier.
Tous ont été touchés, le mot qui est revenu le plus souvent dans leur bouche, par les témoignages poignants des victimes survivantes, quand elles ont raconté ce mercredi atroce, et ceux des proches qui ont pleuré à la barre un époux, un père, un ami, un amoureux. Les accusés ont aussi souligné la force nécessaire pour parler tout simplement. « Je voudrais dire aux victimes qu’elles ont eu beaucoup de courage pour faire part de leur ressenti », a déclaré Abdelaziz Abbad.
« J’adresse mes condoléances aux victimes, j’ai été impressionné par leur courage, leur dignité, j’a croisé leur regard et je n’ai vu de la haine chez personne », tient à dire Miguel Martinez. Ali Riza Polat s’était fait remarquer dans la matinée et il a continué sur un registre similaire : « Je suis désolé pour ce qu’il s’est passé, je n’ai rien à voir avec tout ça. Il faut que la vérité sorte. Je me désolidarise de ce qu’ils ont fait les trois. »
#Attentatsjanvier2015 Metin Karasular : "Je suis musulman et je ne comprends pas pourquoi on tue au nom de Dieu, au nom du prophète, je ne comprends pas… On ne tue pas parce qu’ils ont fait un dessin, ça ne rentre pas dans ma tête."
— Alexandre Sarkissian (@Alex_Sarkissian) September 11, 2020
Amar Ramdani a réussi à capter l’attention de salle, c’est indéniable. Il a confessé son émotion ressentie cette semaine, en parlant de Sigolene (Vinson) ou de Fabrice (Nicolino), osant même une comparaison avec ce dernier : « J’ai bien aimé sa manière de parler, il s’offusque. Moi aussi je m’offusque quand on dit que je suis terroriste. Je ne suis pas renvoyé pour ces faits de Charlie Hebdo, je veux le rappeler. Ça fait 5 ans et demi que j’ai cette étiquette sur le dos, je ne l’aime pas, et je déteste cette idéologie mortifère. »
Ramdani risque une condamnation à 20 ans de prison. Il est soupçonné d’un soutien logistique à Amedy Coulibaly, le terroriste de l’Hyper Cacher. Saïd Makhlouf encourt la même peine et a estimé, dans sa conscience de citoyen français, qu’il était « inacceptable de tuer au nom d’une religion ou d’une idée. » « Ce qu’il s’est passé à l’Hyper Cacher me touche particulièrement, embraye Nezar Mickaël Pastor Alwatik, parce que ma soeur est de confession juive, mes nièces sont de confession juive. »
« Coulibaly je le connaissais, enfin je croyais le connaître. »
L’homme de 35 ans, s’adressant de temps en temps au fond de la salle vers les victimes, assure qu’il ne connaissait pas les frères Kouachi à l’époque, contrairement à Amedy Coulibaly : « Je le connaissais, enfin je croyais le connaître. »
Toutes ces paroles ont mis « mal à l’aise » une avocate des parties civiles, pas dupe de l’attitude employée par les accusés. Selon elle, cette posture consiste à vouloir se démarquer du caractère terroriste dans leur chef d’inculpation. « Quand on vend des kalachnikov, ce n’est pas pour jouer du golf », a t-elle conclu face à l’hostilité bruyante de ses collègues de la défense dont Daphné Pugliesi qui a rappelé « Ils sont encore présumés innocents. »