C’est le statut donné vendredi, au 34e jour des débats, par une enquêtrice antiterroriste au principal accusé du procès des attentats de janvier 2015. Ali Riza Polat et son avocate Isabelle Coutant-Peyre ne possèdent évidemment pas du tout la même lecture. « Tu vas me le payer », a par ailleurs crié Polat au témoin.
Cherif Kouachi utilisait la ligne se terminant par 58 01, Ali Riza Polat la 58 02. En décryptant la téléphonie du principal accusé du procès, dont les chefs d’inculpation peuvent l’enfermer à perpétuité, une enquêtrice de la Sous-direction antiterroriste (Sdat) a voulu insister sur la très grande proximité existante entre Polat et Amedy Coulibaly, symbolisée, entre autres, par de multiples communications, dont la dernière enregistrée avant les assassinats. L’auteur des attentats de Montrouge et de l’Hyper Cacher prenait soin de distribuer les téléphones à ses interlocuteurs.
Quatre lignes d’Ali Polat, parmi les six connues par les enquêteurs, ont été utilisées pour contacter exclusivement Amedy Coulibaly et Willy Prevost, autre accusé dans le dossier, précise le témoin. Dès que Coulibaly changeait de puce, Polat se trouvait immédiatement au courant, a souligné le membre de la Sdat, ce vendredi, au 34e jour du procès des attentats de janvier 2015.
Le 7 janvier, vers 1 heure du matin, Polat et Coulibaly déclenchaient la même borne à Montrouge, quelques heures avant les attentats de la rue Nicolas Appert où étaient situés les locaux de Charlie Hebdo.
Ali Polat expliquait qu’il était redevable de Coulibaly (comme Willy Prevost) au sujet d’une dette de 15 000 euros non honorée. En contre-partie, le natif d’Istanbul rendait des petits services à celui qu’il a connu à Grigny, comme jouer l’intermédiaire dans la vente d’une Mini Cooper (achetée frauduleusement par Hayat Boumeddienne).
La transaction du véhicule s’effectuait en Belgique, avec les garagistes locaux, Metin Karasular et son acolyte Michel Catino. Cet argent servira, selon l’accusation, à financer les attentats commis par Amedy Coulibaly. Ali Riza Polat se rendait utile aussi d’une manière plus grave, soupçonne l’accusation, impliqué dans l’acheminement d’une partie de l’arsenal guerrier utilisé par le terroriste.
A la barre, l’enquêtrice a évoqué des armes, dont des fusils, ramenés de Belgique et qualifiées de « merde » par Coulibaly. Un ami de Willy Prevost a accompagné un Ali Polat au volant de la voiture ouvreuse. Un deuxième véhicule transportait le matériel. Polat avait dit au juge d’instruction qu’il se trouvait à Londres à ce moment-là. Le membre de la Sdat lui a opposé les vérifications policières n’ayant pu confirmer l’alibi de l’accusé.
De son côté, Maître Coutant-Peyre s’est demandé au cours de son échange avec l’enquêtrice pourquoi un « braqueur professionnel » comme Coulibaly aurait eu besoin de quelqu’un pour lui procurer des armes. L’avocate d’Ali Riza Polat a également tenté de nuancer l’incident causé dans le box par l’homme de 35 ans. « Tu vas me le payer », a lancé l’accusé au témoin quand celle-ci relatait une conversation téléphonique entre Polat et sa mère, qualifiée de mécréante par son fils.
Une tentative avortée d’entrée en Syrie
« On peut mentir sur moi mais pas sur ma famille », s’est agacé Polat dans le box. Il a répété qu’il n’avait jamais traité quelqu’un de sa famille de la sorte. Il avait peut-être, en revanche, voulu fuir en Syrie quelques jours après les attentats. Les éléments recueillis ont renforcé l’hypothèse. Son passeport français, dissimulé et retrouvé en perquisition, atteste d’un séjour au Liban entre le 12 et le 19 janvier 2015. Le 17, il veut entrer en territoire syrien, via le poste frontière de Masnaa. Sans succès.
On repère ensuite Ali Polat en Thaïlande entre le 22 et le 25 janvier. Le 28, Ali Polat s’arrête tout près de l’Hyper Cacher de l’avenue de la Porte de Vincennes, pour « faire comme tout le monde », avait-il dit aux policiers, lire les mots et les témoignages en mémoire aux victimes.