Le procès du 13 novembre a entendu mardi 5 octobre des victimes et des proches de la tuerie perpétrée au bar La Belle Equipe.
Grégory quitte la salle d’audience. Il fixe jusqu’au bout le box des accusés. Il a réussi à contenir sa colère, comme il l’avait indiqué en arrivant à la barre, face au président de la cour d’assises de Paris spécialement composée. 5 octobre 2021, le procès des attentats du 13 novembre 2015 a entamé sa cinquième semaine et la parole des parties civiles s’est poursuivie .
La compagne de Grégory a été assassinée à la terrasse de La Belle Equipe. « Je n’étais pas là pour la protéger, je n’étais pas là pour protéger ma femme. Je n’ai pas pu parce que je n’étais pas là. » Grégory présente ses excuses à toute la famille de Justine. « C’est quelque chose qui me pèse énormément et sur laquelle je culpabilise. »
Elle était sortie prendre un verre dans ce bar du XIe arrondissement. Il regardait la télévision quand un appel est arrivé. « Où êtes-vous ? », lui demande la voix affolée d’une proche, les croyant ensemble, comme l’habitude le voulait. « Ça tire à La Belle Equipe. » Il appelle Justine. Pas de réponse. Rien non plus sur le smartphone des autres amis sur place.
Grégory fonce dans le XIe. Les cordons de sécurité le contraignent à opérer un demi-tour. Devant les chaînes d’infos en continu, il croit reconnaître le corps de Justine, et ceux de Hyacinthe et Thierry, parmi les 21 victimes assassinées à La Belle Equipe ce 13 novembre 2015. « Ce n’est pas possible, ce n’est pas possible », se persuade-t-il.
Les sans-nom derrière la vitre
Grégory rejoint sa belle-famille. Il est vidé. « On m’a aidé à monter les escaliers. » Avec ses proches, il apprend ce qu’il ne voulait pas envisager. Il se tourne encore vers le box. « Ces gens m’ont arraché la moitié de moi-même… C’est difficile aujourd’hui, mais je ne me plains pas. Je suis là. Je n’ai pas senti l’odeur du sang, je n’ai pas vu le sang, je n’ai pas enjambé des corps enchevêtrés… »
Parmi la vingtaine de personnes venue à la barre mardi comme Grégory, ce père a vu la vie de sa fille Anne-Laure brisée à La Belle Equipe. Entre tristesse et haine, il tient le coup pour lire le texte préparé en hommage à son enfant.
Il avait aussi un message pour les accusés. « On ne parle pas assez des victimes. Anne-Laure, je vais prononcer souvent son nom durant mon propos, alors qu’eux, ce sont des sans-nom. Ils ne méritent pas qu’on prononce leurs noms. Ce sont des gens sans coeur, sans raison. »