Muhammad Usman appartenait au convoi suicide envoyé en France. Sa route a été stoppée en Autriche, l’autre partie du commando a perpétré les attentats du Stade de France.
Muhammad Usman a suscité le doute, mardi au 47e jour du procès des attentats du 13 novembre 2015. Quand est-il né ? Le 15 mai 1993 à Bahawalpur, selon la copie de la carte nationale d’identité fournie par les autorités pakistanaises ? Ou le 5 janvier 1981, date mentionnée sur le faux-passeport syrien présenté aux autorités grecques le 3 octobre 2015 ?
On pencherait naturellement vers les documents émanant du Pakistan mais cette même source a éveillé d’autres questions. D’après ces éléments, l’accusé a disparu de son village, entre 2004 et 2014, parti rejoindre un groupe taliban en Afghanistan. Vers 11 ans, donc, il aurait pu débuter une formation « militaire et religieuse », entend-on dans l’exposé du membre de la DGSI auditionné ce 23 novembre 2021.
Usman est aussi soupçonné d’avoir participé à un attentat en 2008, du haut de ses 15 ans alors, s’interroge un avocat des parties civiles. Des faits niés par l’accusé. Il a concédé, en revanche, avoir étudié dans une madrassa (école coranique), de 2008 à 2013 environ, rapporte l’ordonnance de mise en accusation.
Il déclare aussi partir du Pakistan en août 2015, de son propre chef, avec des économies (1 000 à 3 000 euros). Celui qui se décrit comme un musulman sunnite passe par l’Iran, 10-15 jours, avant d’arriver en Turquie, et le passage en zone irako-syrienne. Une version fragilisée.
L’accusé est identifié par la DGSI dans une vidéo datée de mai 2015. On le voit, doigt levé et armé d’un fusil, à Ramadi (chef-lieu d’Al Anbar, province irakienne), une des villes prises par l’Etat islamique à l’époque. Il figure dans un film de propagande (6 minutes) produit par Al Hayat, le bureau médiatique de Daech.
« Monsieur Usman a-t-il des commentaires à faire sur cette vidéo ? », tente le président de la cour, rapidement repris. « C’est la première fois qu’un accusé est interrogé sur les faits », intervient Maître Edward Huylebrouck. Jean-Louis Périès le concède. Il y reviendra plus tard. L’audition des 14 accusés est programmée pour le mois de janvier.
Le conseil d’Usman s’étonne ensuite par visio face à l’enquêtrice de la DGSI. Quels procédés technologiques utilisés pour l’identification ? Est-elle sûre à 100% qu’il s’agit de son client sur cette vidéo ? « Je dirais qu’il n’y a pas de doute ». L’avocat a tenté de le semer. Sans succès.
Avec Adel Haddidi, autre co-accusé dans ce dossier, Muhammad Usman a reçu la mission d’un commando suicide en France par Oussama Atar, « Abou Ahmad », émir de Daech. L’accusé avait refusé, assure-t-il, mais accepté d’aller en France avant de voir ce qu’il ferait. Avec eux, voyageront à partir de la Syrie les deux Irakiens qui ont fait exploser leur ceinture au Stade de France.
Contrairement à Mohamad Al-Mahmod et Ahmad Al Mohammad, Haddidi et Usman, en détention trois semaines en Grèce, n’ont pas réussi à rejoindre la cellule terroriste en Belgique pour probablement participer aux massacres du 13 novembre. Ils seront interpellés le 10 décembre 2015 à Salzbourg (Autriche), puis remis à la justice française en juillet de l’année suivante (mise en examen le 29).
Si leur route n’avait pas pris fin dans un camp de migrants autrichien, Usman et Haddadi seraient-ils arrivés en France pour d’autres actions ? La police autrichienne sera entendue mercredi au sujet de ceux qui encourent 20 ans de réclusion criminelle pour « participation à une association de malfaiteurs terroriste criminelle ».