Au 115e jour du procès des attentats du 13 novembre 2015, l’expertise psychiatrique réalisée récemment sur l’accusé principal a été détaillée et discutée.
Salah Abdeslam ne veut pas être vu comme un monstre. Il l’a déjà laissé entendre dans ce procès quand il a bien voulu s’exprimer, tentant de contrôler les débats à son sujet. Une manoeuvre également utilisée récemment au moment d’être enfin examiné par deux experts psychiatres.
L’accusé principal des attentats du 13 novembre 2015 à Saint-Denis et Paris a posé tout de suite ses conditions aux docteurs Daniel Zagury et Bernard Ballivet, ont expliqué jeudi à la barre les deux septuagénaires au 115e jour du procès.
En aucun cas, Salah Abdeslam effleurera ses sentiments intimes, ni évoquera les faits, leur dit-il ce 12 novembre 2021, après avoir refusé à deux reprises d’être soumis à une évaluation psychiatrique, en mai 2016 et le 30 juin 2021. L’homme de 33 ans tiendra parole.
« L’entretien a duré 2h30. Salah Abdeslam était très en contrôle, ne montrant que très peu d’émotions, indique Dr Zagury. Il disait souffrir de ses conditions, l’isolement strict, ses déplacements les yeux bandés. » Il répétait aussi souvent qu’il n’avait pas de sang sur les mains.
Ce rapport allait-il donner de lui une image humaine préoccupait également l’accusé. « Salah Abdeslam a la crainte que cette expertise le déshumanise mais pour nous, c’est un humain ordinaire qui s’est engagé dans la déshumanisation », analyse Daniel Zagury.
Devant les médecins, le Franco-marocain né à Bruxelles renvoie aussi une personnalité solidement accrochée à ses convictions religieuses. L’islamisme et la radicalisation sont des termes employés par les ennemis de l’Islam. Tous les musulmans adeptes de la charia pensent la même chose, assure Abdeslam.
Et dans cette rhétorique ancrée chez Abdeslam et les sujets « radicalisés » rencontrés par les médecins, on retrouve la mort. « Mourir en martyr, au combat, c’est pour lui la plus belle mort, ce qui aurait pu être sa mort », ajoute le Dr Ballivet en référence au fait qu’il n’a pas déclenché la ceinture explosive qu’il portait le 13 novembre 2015.
Sérieusement cloisonné dans cette idéologie, Salah Abdeslam peut-il revenir à un état antérieur, celui du garçon bien élevé, serviable et gentil, comme il s’est décrit devant les médecins ? « Je ne sais pas si ce sera son cas, mais ça existe », conclut Daniel Zagury.