L’évasion de Rédoine Faïd de la prison de Réau le 1er juillet 2018 était crainte. Une responsable de l’établissement de Seine-et-Marne l’a confié jeudi devant la Cour d’assises de Paris. Un détenu, lui, a raconté ce qu’il avait vu ce jour-là, à proximité de l’hélicoptère.
Il se trouvait, en charge du tri sélectif, le 1er juillet 2018, à une quinzaine de mètres de la scène. L’hélicoptère Alouette dans la cour d’honneur, deux hommes en mode commando qui en descendent, et Rédoïne Faïd osant un salut en s’enfuyant de la prison de Réau.
La Cour d’assises de Paris a entendu ce témoin, jeudi 14 septembre 2023. Il a vu d’assez près la spectaculaire évasion du braqueur alors qu’il sortait les poubelles avec un co-détenu en ce dimanche 1er juillet 2018 au ciel tout bleu. Pour les encadrer, un agent de surveillance stagiaire en poste depuis un mois.
Deux individus vêtus de noir, cagoulés, armés de kalachnikov, sont descendus de l’Alouette, poursuit le détenu. L’homme à la disqueuse, sorti en premier de l’hélicoptère, s’est attaqué sans difficulté à la porte menant au couloir des parloirs.
Rédoine Faïd est sorti quelques sept minutes après. Le commando a opéré avec un calme étonnant, a souligné le détenu chargé du tri sélectif. La directrice-adjointe de l’établissement n’a pas vu grand-chose de son côté.
Le 1er juillet 2018, elle n’est pas d’astreinte, dit-elle à la Cour via une visioconférence. Elle se souvient une certaine porosité dans le quartier de l’isolement, celui de Rédoine Faïd. Les détenus pouvaient communiquer oralement entre eux.
La directrice avait reçu une confidence d’un voisin de la cellule de l’accusé principal. Le 30 juin au soir, Rédoine Faïd lui aurait dit qu’il serait “libérable” le lendemain. Il ajoute que la ministre de la Justice lui a fait un cadeau de le placer à Réau…
Intensification de drones
La présidente tique. Elle n’avait pas connaissance de ce fait dans le dossier, dit-elle “Et le lendemain, il s’évade”. La magistrate n’ignorait pas l’existence de drones observés dans le ciel de la prison de Réau. D’abord en novembre 2017, période à laquelle Rédoine Faïd est transféré dans l’établissement de Seine-et-Marne.
Les quatre drones vus en février 2018 inquiètent la directrice. Elle alerte aussi de l’absence de filin au-dessus de la cour d’honneur. L’un des deux avocats généraux s’étonne du changement de l’horaire du parloir avec son frère Brahim, demandé la veille de l’évasion (le matin au lieu de l’après-midi), et accepté sans difficulté.
La directrice voulait traiter Rédoine Faïd comme un autre détenu. Peut-être pour ne pas l’alerter de ce que l’on pensait. “On était un peu sur les dents”, concède-t-elle. Le risque d’une évasion était pris en compte.
Il était envisagé sérieusement le transfert du braqueur récidiviste, après évaluation de la menace. La présidente met en évidence un échange de courriels, à ce sujet, entre responsables de la détention en France.
L’accusé devait changer de prison en septembre 2018. Trop tard, avait jugé le directeur de la gestion de la détention dans un courrier de juin 2018. Quelques jours plus tard, le “roi de la belle” justifiait son surnom.